DIPLOMATIE ET DIPLOMATES D’APRÈS-GUERRE 

Au procès principal de Nuremberg (20 novembre 1945 – 1er octobre 1946), des diplomates allemands comptent au nombre des accusés : Joachim von Ribbentrop est condamné à mort et exécuté, le diplomate Franz von Papen est acquitté.

Des diplomates étrangers, eux, sont présents au sein de l’accusation, parmi les témoins et les observateurs… Mais c’est l’un des procès postérieurs, celui dit de la Wilhelmstrasse, qui fut le grand procès des diplomates avec, dans le box des accusés, vingt et un hauts fonctionnaires qui ont servi le régime nazi. Le principal est Ernst von Weizsäcker, condamné à sept ans de prison (ramenés en appel à cinq), entre autres pour avoir contribué à la déportation des Juifs de France.

Cinq autres dirigeants de la diplomatie nazie étaient à ses côtés.

Photo : Beate Klarsfeld gifle le chancelier Kiesinger.
Berlin, Allemagne, 7 novembre 1968.

© Mémorial de la Shoah / Collection Klarsfeld

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948)

Le terme de « génocide » est créé en 1944 par Raphael Lemkin, un juriste juif polonais qui cherche à qualifier précisément les politiques nazies d’extermination systématique, dont celle concernant les Juifs d’Europe.

Pour définir les crimes perpétrés contre des groupes avec l’intention spécifique de détruire leur existence en tant que groupe, il crée le terme « génocide », de la racine grecque « geno » pour race, espèce et du latin « cide », pour tuer.

Au procès de Nuremberg, le mot est employé dans le réquisitoire, même s’il n’est pas utilisé pour qualifier les crimes dont sont accusés les dignitaires qui passent en jugement.

Le 9 décembre 1948, les Nations unies approuvent la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, ce qui en fait un délit international que les nations signataires « s’engagent à prévenir et à punir ».

Photo : Vespasian Pella, juriste roumain. Non daté. 
© Archives nationales de Roumanie.

Les diplomates face à une nouvelle crise de réfugiés

Les Alliés, submergés en Europe libérée par les millions de personnes déplacées, pensaient qu’une diplomatie multilatérale incarnée par l’UNRRA (1943-1947), par l’Organisation internationale des réfugiés (1946-1952) règlerait le problème.

Non sans mal, du fait entre autres de la guerre froide, ces organismes mettent en place des secours et des rapatriements massifs, mais un « noyau dur » de déracinés demeure ; parmi eux, nombre de Juifs rescapés dont on mesure mal encore les souffrances et dont les aspirations sont contrariées : ils refusent de rentrer en Pologne dans leurs pays d’origine où persiste souvent l’antisémitisme (pogrom de Kielce, juillet 1946), et même de vivre en Europe.

Ils veulent, au grand dam des Britanniques, s’installer en Palestine où un État juif est finalement fondé en mai 1948.

Un « nouveau » corps diplomatique allemand ?

En 1945, la Wilhelmstrasse est détruite, le bâtiment comme le ministère. 

Lors de la création de la RFA en 1949, le chancelier Konrad Adenauer gère directement les Affaires étrangères. Quand la RFA reçoit la faculté de nommer des chargés d’affaires à l’étranger et de (re)créer un ministère en 1951, Adenauer confie cette mission à des hommes « nouveaux » qui ne s’étaient pas compromis sous le IIIe Reich : Walter Hallstein, Wilhelm Haas, Herbert Blankenhorn… Mais des diplomates de carrière sont réintégrés à partir de 1955, même s’ils avaient été membres du parti nazi, ce qui a entraîné dénonciations, révélations, scandales. Il est arrivé que des diplomates ne puissent se rendre dans les pays où ils avaient été en poste pendant la guerre sans risquer l’arrestation pour crimes de guerre.

 

Photo : Vollrath von Maltzan en compagnie d’André François-Poncet au cours d’une cérémonie d’hommage à l’écrivain Heinrich Heine au cimetière de Montmartre. Paris, France, 1956.
© Avec l’autorisation de Dr. Bernd von Maltzan

Les diplomates dans les négociations des réparations

Les premières réparations allemandes aux victimes du nazisme interviennent dès 1945, par le versement de pensions aux victimes allemandes ou qui avaient eu la nationalité allemande avant d’émigrer.

Il revient aux postes diplomatiques de la RFA de faire le lien entre les bénéficiaires vivant à l’étranger et les différentes administrations en Allemagne. En 1952 est ratifié un accord de réparation entre la RFA et le tout jeune État d’Israël : l’accord du Luxembourg. Ce processus de règlement diplomatique se poursuivit, entre Allemands et Américains, notamment, mais également entre des pays européens et les États-Unis, à partir de 1995.

Ces négociations bilatérales, parfois multilatérales, mirent en lumière la dimension nécessairement internationale des réparations, et de la commémoration, du génocide.

 

Photo : Signature de l’accord de Luxembourg conclu entre la RFA, Israël et la Conférence sur les revendications matérielles juives contre l’Allemagne. Luxembourg, Luxembourg, 10 septembre 1952.
© USHMM / Courtesy of Benjamin Ferencz

La mémoire des diplomates sauveteurs

La mémoire des diplomates a mis parfois du temps à être reconnue.

Un long oubli qui peut se lire comme le reflet d’une époque où la mémoire de la Shoah était enfouie et où le devoir d’obéissance des fonctionnaires n’était pas remis en question. Leurs gouvernements ont même sanctionné plus ou moins lourdement certains d’entre eux : Lutz, Sardari, Sousa Mendes ou von Weiss, mis d’office à la retraite. La notoriété de Wallenberg fait exception, mais son sort fut particulièrement tragique : il disparut dans les geôles, peut-être dans les camps, de l’Armée rouge.

En décernant le titre de « Juste parmi les nations », Yad Vashem assure une reconnaissance mémorielle, parfois sujette à discussion, tandis que les États et des institutions du souvenir décernent diverses distinctions.

Photo : Plaque commémorative en l’honneur de Ho Feng Shan.
Domaine public 

Portrait

François de Vial

Premier diplomate français reconnu Juste parmi les nations en 2020

Nommé « Juste parmi les nations » le 27 juillet 2020, il a exercé les fonctions d’attaché à l’ambassade de France auprès du Saint-Siège de 1940 à 1944. Après la rupture entre la France et l’Italie, le 10 juin 1940, l’ambassade de France se réfugie dans la Cité du Vatican où son personnel vit reclus, à l’exception de François de Vial qui est le seul à pouvoir circuler dans Rome. Ce dernier trouve des lieux d’asile aux Juifs secourus par le père capucin Marie-Benoît, un religieux français qui, après avoir conduit des opérations de sauvetage dans le Midi de la France, dirige avec des Juifs italiens la branche romaine du Comité d’aide aux Juifs italiens.

Photo : François de Vial, consul général de France. Québec, Canada, 1953.
© Avec l’autorisation d’Arnaud de Vial