LES ESPACES EXTÉRIEURS

Dans les camps nazis, la musique revêt des fonctions différentes si elle est jouée dans les espaces extérieurs ou à l’intérieur des baraquements.

La musique exécutée à l’extérieur est principalement jouée sous la contrainte, sur ordre des SS ou des gardes et sous leur surveillance : elle sert d’abord à assurer la synchronisation des pas de la masse de détenus.

Aux abords de la porte, de la place d’appel du camp et des « rues » principales, elle contribue avant tout au bon fonctionnement de la machine nazie.

 

Crédit : Ella Liebermann-Shiber, Marche au travail, Auschwitz-Birkenau. Ghetto Fighters House Archive

Focus – musique tortionnaire

Dans les camps, la musique est mise au service du sadisme des SS tout en renforçant l’humiliation et les souffrances infligées à la victime.

Les pièces choisies appartiennent pour beaucoup au répertoire léger cher aux Allemands : extraits d’opérettes de Franz Lehár, chansons sentimentales de Zarah Leander, etc.

La légèreté de leur ton et le côté allusif de leurs paroles accentuent l’horreur de la situation.

LA PORTE

La porte du camp, souvent ornée de la devise Arbeit macht frei, « Le travail rend libre », est franchie quotidiennement par la majeure partie des détenus, alors esclaves dédiés aux travaux du Reich.

Depuis la porte jusqu’au lieu de travail, obligation est faite de chanter, sous la surveillance des gardes qui les escortent. Le retour se fait également en chanson. 

Tous les détenus, quelle que soit leur nationalité, doivent donc assimiler le répertoire des chants populaires allemands, dont des chants de soldats SS, à entonner à haute voix et sans erreur sous peine de recevoir des coups.

 

Crédit : Porte avec la devise Arbeit macht frei, Janvier 1945, camp d’Auschwitz I, Photographie de Stanislaw Mucha, Mémorial de la Shoah/Coll. Stanislaw Mucha

DÉPART DES KOMMANDOS

Après l’appel du matin, les Kommandos se mettent en marche vers les lieux de travail situés à l’extérieur des camps de concentration.

Au moment de leur mise en place, l’orchestre joue de la musique militaire près de la porte : marches de l’armée allemande, marches militaires de Franz Schubert et Johann Strauss, etc.

Une fois sortis, les détenus entonnent alors des chants de marche, sans accompagnement musical. Imposer de chanter à cette occasion permet aux SS une coordination optimale du pas et empêche toute communication non autorisée.

RETOUR DES KOMMANDOS

À la fin d’une journée de travail forcé, le retour des Kommandos dans les camps doit aussi se faire en chansons puis, après le passage de la porte, au son de l’orchestre.

Son rythme entraînant, qu’il faut suivre à tout prix sous peine d’être battu, inflige une douleur supplémentaire aux détenus épuisés, qui parfois portent leurs camarades malades ou décédés dans la journée et ne peuvent suivre l’allure imposée.

LA PLACE  D’APPEL

L’ambiance sonore de la place d’appel contraste entre silence au moment de l’appel et musique en d’autres occasions. Matin et soir, par tous les temps, les détenus s’y regroupent par milliers afin que les SS procèdent au décompte des effectifs et s’assurent qu’aucune évasion n’ait eu lieu.

Il peut arriver, en punition collective ou pour se distraire, que certains commandants SS infligent des heures de chansons après l’appel du soir, aggravant les souffrances et empiétant sur le temps de  « repos ».

 

 

Crédit : Carnet de chanson avec le « Buchenwaldlied » illustré, 1942-1943, camp de Sachsenhausen. ©Akademie der Künste

LES « RUES » DES CAMPS

Musiques contraintes et spontanées se côtoient dans les « rues » situées entre les blocs.

C’est dans ces rues que déambulent certains condamnés à mort, devant leurs camarades, au son de l’orchestre. Dans les camps où le travail cesse le dimanche, les détenus qui en ont la force sont autorisés à arpenter les rues quelques heures durant, par petits groupes.

À l’occasion de ces rares moments où la surveillance est relâchée, des informations sont échangées, des chants patriotiques ou politiques sont entonnés à voix basse.