LES ESPACES INTÉRIEURS

Dans les espaces intérieurs, la musique est jouée le plus souvent de façon spontanée et utilisée comme un outil de résistance artistique et spirituelle. Aux côtés des orchestres officiels, nombre de petits ensembles instrumentaux voient le jour pour ces activités, ainsi que des chœurs. Leurs répertoires sont plus engagés : des chants politiques, patriotiques ou religieux, ou encore des chansons détournées, dont les paroles dénoncent les conditions de survie ou la brutalité de certains kapos.

Lorsqu’elle est clandestine, la musique qui résonne au sein de ces petits groupes est chantée à voix basse ou simplement couchée sur le papier. Mais les activités artistiques et musicales sont aussi pour partie autorisées par l’administration SS ou par les chefs de blocs. Organisées en soirée ou le dimanche, dans les blocs ou dans d’autres bâtiments, elles permettent de limiter les risques de soulèvements et de distraire les rares détenus privilégiés qui peuvent y assister.

 

CONCERTS DANS LES BLOCS DES DÉTENUS

En l’absence des SS, la surveillance des détenus est confiée aux kapos et aux « doyens de bloc », les Blockältesten. Ce sont eux qui autorisent des concerts à l’intérieur des blocs entre l’appel du soir et l’extinction des feux.

Par manque de partitions, le répertoire se chante ou se joue essentiellement de mémoire : chants traditionnels ou folkloriques de divers pays, chansons en vogue, extraits de cabarets, hymnes des camps. 

Focus – Musique de résistance

Dans les camps, l’une des fonctions de la musique est de favoriser la « résistance », c’est-à-dire le maintien de l’intégrité physique et psychique de l’individu. Le maintien d’une activité culturelle ou artistique à tout prix revêt donc une importance particulière. Les activités musicales spontanées mobilisent la mémoire, la créativité, elles permettent de fédérer les détenus le temps d’un concert. Nombre de survivants ont témoigné du pouvoir régénérant d’une musique entendue à cette occasion. 

 

Crédit : Peter Edel, Cabaret-Récitation – Janvier 1944, camp de Sachsenhausen. © Gedenkstätte und Museum Sachsenhausen

Musique : Jan Vala, Kartoszki !, 1942

Enregistrement de 1970 (1’25)

Alexander Kulisiewicz, chant et guitare

Collection particulière Krzystof Kulisiewicz

FÊTES RELIGIEUSES AUTORISÉES

Lorsqu’elles tombent un dimanche, les fêtes chrétiennes peuvent donner lieu à des concerts d’envergure.

L’orchestre du camp interprète alors musique savante, musique légère et chants traditionnels.

Si elles tombent en semaine, des soirées sont autorisées après la journée de travail. La musique vocale prédomine, accompagnée d’un ou deux instruments.

Lors de ces soirées propices à la nostalgie, chacun interprète les mélodies traditionnelles de son pays, des chansons à la mode, mais aussi des compositions écrites pour l’occasion.

La célébration des fêtes juives n’est pas autorisée dans les camps de concentration.

 

 

Crédit : Pierre Gros, « Chanson créée à la Noël 1944 » – Décembre 1944, camp de Leipzig-Thekla, annexe de Buchenwald. © Akademie der Künste, Berlin

Musique : Aristide Bruant, Belleville-Ménilmontant, 1889

Enregistrement de 1911 (0’58)

Aristide Bruant, chant

© Pathé

 

BÂTIMENTS SERVANT AUX ACTIVITÉS CULTURELLES

Focus – le chant des Marais

Le Börgermoorlied, plus connu en France sous le titre de Chant des marais, est devenu après la guerre le chant de mémoire de tous les déportés.

Composé en 1933 par Langhoff et deux codétenus au camp de Börgermoor, il décrit la dure réalité de ceux qui se surnomment « soldats du marais », mais exprime aussi l’espoir d’un retour à la maison.

Le chant remporte un succès immédiat, tant chez les détenus que chez les gardes SS, qui s’identifient tous aux « soldats du marais ».

Focus – Musiques dans les garnisons SS

Dans certains camps de concentration, des bâtiments peuvent servir à l’organisation de concerts ou de spectacles de plus grande envergure, le dimanche ou en soirée. Il s’agit souvent du cinéma du camp.

Là encore, on joue chansons sentimentales à la mode, musique légère, musique savante, extraits d’opérettes ou encore numéros de cabaret.

L’entrée est payante ou sur invitation et seule une minorité de détenus privilégiés y a accès.

 

 

Crédit : Anonyme, Spectacle Songe des mers du Sud; 16 juin 1944, camp de Buchenwald. © Musée national Auschwitz-Birkenau

Musique : 12 Minuten mit Peter Kreuder

Enregistrement de 1941 (2’22)

Orchester des deutschen Opernhaus, Berlin

Peter Kreuder, direction

Telefunken

Focus – Musique clandestine

Dans les camps de concentration, malgré la surveillance omniprésente et les interdictions, des activités musicales clandestines ont fréquemment lieu.

Le répertoire vocal est majoritaire : généralement, des mélodies connues sont parodiées avec de nouvelles paroles dénonçant la situation.

La circulation en cachette du texte, permet de « chanter en silence » dans sa tête, à la lecture des paroles et du titre de la mélodie choisie.

Des chants sont également entonnés à voix basse dans les latrines, seul endroit du camp où la puanteur tient les SS à distance en journée.